5 janvier 2022
En dépit des promesses le Congo demeure embourbé, comme la jeep du président…
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Le Congo n’est jamais avare de surprises : voici trois ans, l’accord intervenu entre Joseph Kabila- dont le dauphin Shadary avait été désavoué par les électeurs- et Félix Tshisekedi, le moins bien loti des candidats à l’élection présidentielle, avait fait mentir tous les pronostics pessimistes. Au début de l’an dernier, après de longues manœuvres de persuasion « à la congolaise », c’est-à-dire à coup de billets verts et sans aucune violence, la majorité qui permettait à Kabila de contrôler tant le Sénat que le Parlement basculait et assurait au chef de l’Etat surnommé « Fatshi-béton » une majorité… bétonnée. L’espoir prenait racine : la « vision » du chef de l’Etat, désormais dotée d’une marge de manœuvre confortable, allait enfin se concrétiser. D’autant plus que Félix Tshisekedi, ayant fait preuve d’une incontestable intelligence stratégique, multipliait les initiatives : assurer la gratuité de l’enseignement primaire (le droit à l’éducation étant inscrit dans la Constitution), mettre définitivement fin aux violences ravageant les deux Kivu, entamer des travaux d’infrastructures, se libérer de la trop grande emprise des Chinois en renégociant certains contrats, traquer la corruption avec l’aide du nouveau patron de l’Inspection générale des Finances, rendre au Congo son rang de puissance africaine… Non seulement bon tacticien, Tshisekedi se révélait un réservoir de bonnes idées illustrant le slogan de sa campagne : «le peuple d’abord ».
Un an plus tard, à l’instar de la jeep présidentielle alourdie par trop de passagers, l’appareil de l’Etat s’est embourbé. La corruption, inégalement poursuivie, règne toujours et une nouvelle caste de nouveaux riches détrône l’ancienne, l’Est du pays est devenu le terrain d’opération d’armées étrangères et les populations souffrent toujours autant, la perspective des élections annonce déjà de nouvelles contestations car l‘indépendance de la nouvelle Commission électorale pose question.
Certes, on peut soupirer, invoquer le fatalisme congolais, l’infinie capacité de résignation d’une population qui vit au jour le jour, ignorer l’émergence d’une nouvelle classe moyenne et les exigences de la jeunesse. On peut poursuivre, à l’instar de la trop discrète diplomatie belge, le « business as usual », dialoguant avec une caste politique formée dans nos écoles.
Il ne faudrait cependant pas oublier que le 4 janvier 1959 non plus, on n’avait rien vu venir dans la « colonie modèle » qu’était le Congo. Ce jour là cependant, des émeutes inattendues éclataient à Léopoldville, leur répression faisait –officiellement- 39 morts et le discours d’un certain Patrice Lumumba réveillait brusquement l’espoir d’une prochaine indépendance. La suite est connue. L’histoire (et entre autres celle de la révolution française) nous a appris que les peuples ne se lèvent pas lorsqu’ils sont au plus bas de l’oppression et ne vivent que pour survivre, mais au moment où l’espérance du changement commence à poindre tout en demeurant inassouvie…